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Analyse qualitative et synthèse d’interviews

Cet article a pour but de partager une approche basée sur l’analyse qualitative pour réaliser une synthèse d’interviews. Elle a été expérimentée avec un client international pour synthétiser une quantité conséquente de données suite à une enquête réalisée auprès de 70 personnes.

  1. Comment peut-on faire ce travail sans y passer un temps colossal ?
  2. Comment extraire les informations utiles parmi cette quantité de  » matériau » ?
  3. Quelle organisation mettre en place pour être le plus efficient possible ?
  4. Est-ce-que le mode collaboratif peut aider à gagner en efficacité ?

Ce sont ces questions auxquelles nous avons tenté de répondre.

Éléments de contexte :

  • Groupe international dans le domaine de l’énergie
  • Interviews réalisées entre avril et août par 3 personnes
  • 1 processus clé
  • 70 personnes interviewées
  • 30tainte de sujets, questions abordé(e)s.
  • 11 rôles (métiers) interviewés parmi lesquels 3 rôles représentent 50 % des interviews.
  • 1 heure en moyenne par interview
  • Langue : français et anglais

Cette approche est construite à partir de l’ouvrage « Manuel d’analyse qualitative – Analyser sans compter ni classer » écrit par Christophe Lejeune enseignant en recherche qualitative à l’université de Liège.

https://www.cairn.info/manuel-d-analyse-qualitative–9782807323582.htm

L’analyse qualitative

L’approche se déroule en 3 temps, la première étape se nomme l’annotation suivie de l’étiquetage pour enfin déterminer des catégories.

Les termes utilisés ici sont ceux repris dans l’ouvrage, les terminologies diffèrent selon les experts.

De manière générale, l’auteur parle de codage (ouvert, axial, …) pour toutes les étapes ci-dessus, alors que le « coding » en anglais est réservé pour certains à l’étape d’annotation (cf. ci-après). Ceci étant posé, voici l’approche.

En amont de l’atelier : l’annotation de la synthèse des interviews

L’équipe avait utilisé Google Forms pour saisir ses notes au fur et à mesure du déroulé de l’interview. Ceci a permis à l’équipe d’extraire dans un excel ou google sheet une vue globale de toutes les interviews, de manière organisée et lisible.

Ce type de collecte de données est très utilisée dans les méthodes des Generative Design Research.

Pourquoi en amont de l’atelier ? Car pour réaliser l’annotation, il faut relire toutes les interviews : le « matériau »[1]. On annote ensuite ce matériau. Or, ce travail demande du temps, ce temps doit être économisé lors de l’atelier d’autant que nous parlons ici d’un temps individuel.

Il a été réparti en 5 personnes, ayant chacune une partie à relire et annoter. Pour rappel, il y avait différents rôles à relire, chacun des lecteurs devant en relire plusieurs.

Pour gagner en efficacité, nous avons présélectionné les colonnes liées à notre « question de recherche » : clarification des rôles et responsabilités sur le processus clé.

Les colonnes retenues en vert, les colonnes abandonnées en bleu.

L’image est flouée volontairement.

Pour la lecture et l’annotation nous avions deux approches :

  • pour les 3 rôles centraux du processus clé (50 % des interviews), nous avons procédé à une double lecture. Le premier lecteur réalisait un premier passage et annotation, le second lecteur pouvait compléter (ou pas) cette annotation. Ces annotations étaient positionnées dans la dernière colonne en vert de chaque partie du matériau. On utilise un « / » si le 2nd lecteur ajoute une annotation.
  • Simple lecture pour tout le reste du matériau.

L’annotation est une étape importante en analyse qualitative, lors de l’élaboration de la synthèse des interviews.

L’annotation :

  • rentre dans un processus de micro-analyse, elle est réalisée une seule fois, et elle a pour but d’expliciter et de décrire
  • reprend les mots de l’interviewé, voire les synthétise. On répond à la question : « de quoi parle l’interviewé ? »
  • pour annoter, on peut reprendre tout ou partie des mots de l’interviewé, on peut les résumer
  • tout ne doit pas forcément être annoté, si cela n’apporte pas d’éléments pertinents

Temps : chaque personne a passé entre 4 à 6 heures pour réaliser ce travail (5 personnes).

Le jour de l’atelier : étiquetage et catégorie

J’ai décidé de réaliser l’étiquetage lors du premier temps de l’atelier, même si ce travail est encore individuel, je préférais reconnecter le jour j l’équipe au matériau pour élaborer ensuite toutes les catégories.

L’étiquetage est réalisé à partir des annotations.

Étape 1 – Synthèse interview – l’étiquette :

  • l’étiquette caractérise un vécu et amorce une conceptualisation
  •  elle est expérientielle : “Qu’exprime l’acteur à ce sujet ?”
  • elle est propre à chaque analyse
  • elle peut être : « in vivo » : elle reprend les mots de l’interviewé, ce qu’il dit (verbatim) sans modification ou en « mot du chercheur » : elle qualifie l’expérience vécue, ce que ressentent les interviewés, ce qu’ils éprouvent, ressentent

Quelques conseils ou pièges à éviter

  • l’étiquette ne classe pas, car le classement n’a pas ou peu de portée analytique
  • l’étiquette n’enferme pas et ne fige pas, au contraire elle désigne ce qui varie ce qui diffère en fonction du contexte
  • l’astuce de la « première personne » : quand l’interviewé parle des autres, il exprime quelque chose de lui-même
  • l’astuce des verbes : lorsque c’est possible l’analyste choisit un verbe suivi d’un complément d’objet pour respecter une convention

Une étiquette a pour objectif de dégager une propriété afin d’en déduire des catégories. Une bonne étiquette est une propriété.

Dans l’atelier, j’avais imprimé 150 étiquettes de couleurs différentes soit 600 au total (3 pour les rôles principaux et 1 pour les autres).

Voici l’étiquette utilisée, on y retrouve la description (verbe à l’infinitif et groupe nominal), la couleur représente le rôle (interviewé) concerné (« Autres » dans notre cas) et la source dans le fichier Excel qui permet de remonter à l’origine du matériau.

A ceci, j’ai ajouté une case à cocher « interprétation » qui permet de savoir si l’étiquette est « in vivo » ou non et une case à cocher « processus » (spécifique dans le cas de cette recherche) qui me permettait de savoir si ce qui était exprimé était en contradiction avec le processus « nominal ». 

https://www.nngroup.com/articles/which-ux-research-methods/

Temps : chaque personne a eu 2 heures pour faire ce travail, sachant qu’à ce stade le groupe n’a réussi qu’à étiqueter 60 % du fichier (j’y reviens un peu plus loin).

Étape 2 -Synthèse interview – la catégorie :

La catégorie est définie par ses caractéristiques (les propriétés) et non par son contenu, elle contribue à l’élaboration d’une théorie.

La catégorie > est définie par > une propriété > qui caractérise > la catégorie.

Une catégorie pertinente doit permettre de formuler un titre (exemple le titre d’un article, d’un rapport, d’un film). La catégorie doit rendre ce film conceptuel, accrocheur et spécifique.

Catégorie composée de propriétés (étiquette)

Voici, une des catégories créées par le groupe. Chaque propriété a été collée sur le canevas, même si je n’avais prévu au départ que 3 emplacements, les propriétés ont très vite été collées autour, voire sur d’autres feuilles. 

Une pondération (3 cercles) est disponible sur le canevas, nous l’avons utilisé pour estimer l’effort à fournir pour mettre en œuvre cette catégorie.

Temps : cette étape nous a pris la ½ journée pour assembler, agréger les propriétés et élaborer les catégories.

Groupe de travail en train de collaborer

Le facilitateur joue un rôle clé car il orchestre cet assemblage.

Voici le résultat digitalisé dans un Miro.

https://miro.com/fr

Notre atelier s’est terminé sur l’élaboration de toutes ces catégories. Nous avons in fine balayé 60 % du fichier. Nous aurions pu nous répartir le matériau restant mais le sponsor a décidé que le quadrillage effectué sur les 60 % devrait largement se retrouver dans ce qui avait déjà été défini, ce qui de mon point de vue peut tout à fait s’entendre.

L’ analyse qualitative et la synthèse d’interviews sont donc finalisées à ce stade.

L’équipe n’avait plus qu’à lancer tous les chantiers associés en fonction de priorités restant à définir.

[1] Matériau : élément que collecte le chercheur en recherche qualitative.

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