Plus que l’art de produire de jolis objets ou services, le design tel qu’on l’aborde dans cet article, est surtout considéré comme une démarche pour concevoir des projets nouveaux.
A ce titre, il nous semble que se pencher sur le paysage des méthodes de design existantes est important, pour enrichir la vision que l’on se fait de la gestion des projets, notamment innovants. En effet, s’interroger sur la ou les méthodes à utiliser pour traiter les projets innovants de la roadmap est incontournable à un moment ou un autre de la stratégie d’exécution.
Le design vu par les designers, au fil du temps :
Dans les Années 70 :
“Le design doit être un outil innovant, hautement créatif, transdisciplinaire, au service des besoins des hommes”.
Victor Papanek 1923-1998, designer autrichien à l’origine d’un design écologique, social et éthique.
Dans les Années 90:
“N’importe qui peut concevoir. Nous concevons tous pour réaliser quelque chose de nouveau (…) La pensée conceptuelle est inhérente à l’homme, c’est la partie de nous qui nous rend humain”
Nigel Cross né en 1942 – designer anglais et enseignant, membre de la Design Research Society qui a milité pour que le design soit reconnu comme une discipline et a beaucoup observé comment les designers pensent et travaillent.
Dans les Années 2010 :
“Le Design 2.0 : Le design, ce n’est pas faire de jolies choses, c’est une manière de réfléchir à la résolution de problème, en étant sûr de résoudre le bon problème. Le design est centré sur les gens”.
Donald Norman né en 1935 – chercheur américain en psychologie. Avec son ouvrage « Le design des objets au quotidien » il pose les bases de l’UX en mettant l’utilisateur et l’utilisation au coeur des méthodes de design.
Cartographie des méthodes de design :
Vous voyez en tête de cet article une cartographie du paysage des méthodes design, librement inspirée de celle incluse dans « convivial Toolbox-generative research for the front end of design » – 2012 Sanders and Steppers.
Le côté gauche de la carte regroupe les méthodes de design basées sur l’expertise. Dans les méthodes situées de ce côté-ci de la carte, les chercheurs-designers conduisent le processus de conception, se considèrent comme les experts et voient les utilisateurs comme des consommateurs.
Le côté droit de la carte quant à lui regroupe des méthodes caractérisées par la participation. Là, les designers voient les utilisateurs comme les vrais experts de leur domaine, en particulier experts de la façon dont ils vivent, travaillent, apprennent … ils les considèrent comme des co-créateurs dans le processus de conception.
Regardons plus précisément les différentes méthodes de design :
User Centered Design : les designers réalisent de nouveaux produits et services en se rapprochant des besoins utilisateurs. Se considérant comme les vrais experts, ils collectent, analysent et interprètent les données dans le but de formaliser les spécifications pour guider le processus de développement des produits ou services à concevoir.
Les designers appliquent leurs propres méthodes et outils dans l’évaluation et le prototypage des produits et services qu’ils créent. Ils se basent sur les études sociales et comportementales et / ou les facteurs humains, appliquent l’ethnographie (observation sur le terrain de groupes de personnes / peuples) et passent par des tests d’utilisation. Pour en savoir plus sur la méthode user centered design.
Dans l’approche Participatory Design, les techniques employées impliquent activement les personnes qui sont directement ciblées (ex : client, utilisateur) par le processus de conception afin de concevoir un produit ou service qui réponde à leurs attentes. Une des clés du “Participatory Design” est l’utilisation d’artefacts physiques comme des outils de réflexion durant le processus de conception issus de la tradition scandinave.
Exemple d’utilisation, en anglais : le Participatory design pour développer l’apprentissage dans les communautés de pratiques.
Le Generative Design Research, apparait dans un processus de recherche sur l’utilisateur en amont de la conception d’un produit ou service. Les designers se servent de cette méthode de design pour permettre aux utilisateurs d’exprimer leurs idées à travers différentes activités médiatrices. Par exemple le collage, pour comprendre le point de vue de patients sur le sujet de de la confiance en milieu hospitalier.
Les autres méthodes de design
Design et émotion qui émerge en 1999 (Delft, Pays Bas). Cette méthode associe les courants “Design led” et “Research led”. La méthode part du principe que l’émotion peut être une clé de conception, quand on se rend compte que les décisions des personnes et notamment des utilisateurs peuvent être tout à fait irrationnelles.
La stratégie de conception émotionnelle est basée sur 4 cadrants émotionnels : anxiété, optimisme, pessimisme et réalité, comme le montre le schéma ci-contre.

Le Critical Design est une méthode où le designer joue le rôle de l’expert. Cette méthode émerge en réaction au user centered design et son focus sur la facilité d’utilisation et l’utilité. Le critical design propose de fabriquer des choses pour faire réagir les personnes Notamment les faire réfléchir à leurs idées préconçues, aux usages, à leurs valeurs, à leur culture. Cette approche a été popularisée par “Makes us think” (Dunne et Raby).
Enfin le Design Probes (dans sa forme originale) était une méthode permettant de faciliter l’inspiration plutôt qu’un outil utilisé pour comprendre l’expérience “utilisateur”. Par exemple, si la question sur laquelle travaille le designer est l’utilisation d’internet, il pourra demander aux utilisateurs : « Et si internet était un espace de récréation, quel serait-il ? » Ou bien « A quoi avez-vous utilisé internet mardi dernier ? », ou encore « comment bavardez-vous en ligne ? », ou bien aussi : « les ordinateurs : une bénédiction ou une malédiction ? ». Ce sont des questions qui mélangent recherche d’information et surprise, en ouverture sur une dimension plus intime.
Utilisateur / Chercheur / Designer : 3 figures clés des méthodes de design
Dans le détail de la cartographie du paysage design, on remarque 3 figures clés qui sont l’utilisateur, le chercheur et le designer. En fonction des méthodes, leur rôle est différent :
Rôle de l’utilisateur dans les méthodes de design :
D’un côté de la carte du paysage design, dans la conception traditionnelle du design (User Centered Design), l’utilisateur est un objet passif d’étude. Le designer reçoit passivement les informations, ajoute ses outils et méthodes pour générer de nouvelles idées ou concepts.
De l’autre côté de la carte du paysage design, dans le processus de co-design, l’utilisateur devient l’expert de sa propre expérience et joue un rôle essentiel dans le développement de connaissance, la génération d’idées et le développement du concept.
Le chercheur supporte l’expert-de-sa-propre-expérience en fournissant les outils pour l’idéation et l’expression. Le designer collabore avec le chercheur sur les outils d’idéation car ses compétences de conception sont très importantes pour le développement de ces outils.
Le designer et le chercheur peuvent en fait être la même personne.
Rôle du chercheur dans les méthodes de design :
Le chercheur dans le processus traditionnel sert aussi de traducteur entre l’utilisateur et le designer. Il apporte les informations / la connaissance / la matière à la fois grâce à ses études théoriques mais aussi à travers ses études d’observation et des interviews.
Mais dans les méthodes de design orientées vers le co-design, le chercheur prend le rôle de facilitateur pour faciliter l’expression créative de l’utilisateur.
Rôle du designer dans les méthodes de design :
Dans la conception traditionnelle du design, le designer reçoit passivement les informations, ajoute ses outils et méthodes pour générer de nouvelles idées ou de nouveaux concepts.
Dans les méthodes de co-design, les designers sont particulièrement compétents dans la pensée visuelle, la conduite d’un processus créatif, la capacité à trouver les informations manquantes, la prise de décisions en l’absence d’information.
Ils sont experts en prototypage et facilitateurs naturels pour ces activités collaboratives et restent en veille sur les technologies ou outils. Dans le futur ils confectionneront probablement les outils pour les non-designers afin de les aider à exprimer leur créativité.